Si vous voulez toucher votre cible en plein cœur, faites preuve d’empathie. Ce conseil, vous le verrez partout, et c’est normal, puisqu’il est bon. Seul petit problème : une fois qu’on a dit ça, on n’a pas dit grand-chose. De quoi parle-t-on exactement quand on évoque l’empathie en parlant de copywriting ? Voici quelques pistes de réflexion sur ce sujet fascinant, mais qui mérite aussi d’être démythifié.
Du bon usage du mot « empathie » en copywriting
Le mot « empathie » a le vent en poupe. Alors comme c’est souvent le cas dès qu’un terme devient « tendance », il est utilisé à tort et à travers. Certains l’emploient comme s’il s’agissait d’une sorte de don du ciel qui ne toucherait que les plus sensibles d’entre nous, en insistant sur sa dimension émotionnelle. Mais ils oublient au passage qu’il s’agit aussi d’une posture et d’un exercice intellectuel. Commençons par remettre un peu d’ordre là-dedans !
Ce que l’empathie n’est pas
L’empathie est très souvent confondue avec deux notions :
- La contagion émotionnelle, qui consiste à partager les mêmes émotions. Dans ce cas, il n’y a plus aucune distance, avec une incapacité à réguler ses propres émotions. C’est ce qui se passe par exemple lorsque vous vous mettez à avoir un fou rire avec quelqu’un, sans trop savoir pourquoi.
- La sympathie, qui comporte une dimension affective, et évoque l’idée d’un lien, d’une concordance des sentiments.
En copywriting, on pourrait croire qu’il faut être dans l’un de ces deux états pour produire des textes persuasifs. Mais en réalité, non ! Il n’est pas nécessaire d’éprouver de la sympathie pour comprendre l’autre, et encore moins de « devenir lui ». Cela veut-il dire que la sympathie ne trouve pas sa place en copywriting ?
Bien sûr que non ! La sympathie peut être décrite comme l’étape d’après . Pour convaincre, il faut d’abord :
- comprendre à qui on a affaire (autrement dit faire preuve d’empathie)
- puis ensuite agir comme on le fait quand on ressent de la sympathie pour autrui, c’est-à-dire en accompagnant, en apportant de l’aide au lecteur.
L’empathie et le copywriting présentent aussi une dimension intellectuelle !
On aborde souvent l’empathie, et par voie de conséquence le copywriting, sous l’angle des émotions. C’est juste, mais malheureusement réducteur !
Pour la petite histoire, le terme « empathie » a été utilisé pour la première fois en 1873 par le philosophe allemand Robert Vischer. Le mot « Einfühlung » désignait au départ la relation esthétique que l’individu peut entretenir avec une œuvre d’art, et plus largement une forme de communication intuitive avec le monde.
Mais Freud, par exemple, a participé à ce que l’empathie soit davantage décrite comme un mode de connaissance de l’autre. Il citait ainsi l’image du « miroir », comme si faire preuve d’empathie signifiait permettre à l’autre de disposer d’un reflet.
Quoi qu’il en soit, il semble aujourd’hui admis que l’empathie ne se limite pas à la dimension émotionnelle. Voici deux distinctions intéressantes, que je retrouve bien dans mon activité de copywriter.
Empathie cognitive et empathie émotionnelle
Serge Tisseron, psychiatre, distingue entre :
- L’empathie cognitive, qui désigne l’aptitude intellectuelle à comprendre le monde intérieur et le mode de fonctionnement de son interlocuteur.?
- L’empathie affective (ou émotionnelle), qui couvre le fait de reconnaître et de partager les émotions d’autrui. ❤️
Un bon copywriting repose précisément sur ce mix . Il faut d’abord faire un effort de compréhension en profondeur du prospect, avant de pouvoir trouver le bon « état émotionnel » pour passer à l’écriture.
Empathie sèche et empathie humide
J’ai toujours considéré que la persuasion passait par la juste combinaison entre de la matière « chaude », vibrante (les émotions) et de la matière « froide » (des connaissances techniques, de la rigueur, de la logique).
Je partage donc avec vous une seconde distinction faite cette fois par le psychiatre et psychanalyste Jacques Hochmann, et qui me parle beaucoup.
- L’empathie sèche, qui couvre la compréhension des intentions, des croyances et émotions d’autrui
- L’empathie humide, qui désigne cette fois le fait de ressentir les mêmes émotions qu’autrui.
Conclusion ? L’empathie ne relève pas de la vision un brin bisounours qu’on peut voir un peu partout. Si elle peut bien être décrite comme la capacité de ressentir ce qu’éprouve autrui, démythifions un peu les choses . Ce n’est pas aussi simple que certains voudraient le faire croire…mais pas si compliqué non plus !
Regardons maintenant comment ça marche en pratique, lorsqu’il s’agit par exemple de rédiger une page de vente.
L’empathie en copywriting : passons à la pratique
Entendons-nous bien : il n’existe pas UNE méthode. Je ne connais d’ailleurs pas celle utilisée par les autres copywriters. Je me contente donc modestement de vous livrer la mienne, qui se décompose en trois étapes.
1- La phase de connaissance « pure »
Difficile de prétendre « comprendre » quelqu’un en ne sachant rien de lui !Si vous avez le souhait de rédiger un texte convaincant, commencez par prendre le temps qu’il faut pour récolter un maximum d’informations au sujet de votre cible.
Job, tranche d’âge, situation familiale, problématiques rencontrées…vous devez emmagasiner tout un tas d’éléments très concrets.En tant que copywriter, je travaille la plupart du temps à partir de fiches comportant tous ces renseignements, qu’on appelle personas, et qui correspondent à des portraits-robots.
J’ai ainsi accès à un premier niveau d’informations, qui me permettent, de façon « froide » et «intellectuelle » de comprendre la situation dans laquelle se trouve la cible.
Si vous ne disposez pas de ce genre d’outils, il est indispensable de réaliser un travail équivalent, en menant par exemple des interviews auprès de vos prospects et clients. Si besoin, consultez mon article sur la façon dont mener une interview, ça peut aider (enfin, j’espère).
2- La phase d’appropriation du monde intérieur de la cible
Comprendre la cible, cela signifie la comprendre « de l’intérieur », en décelant tout ce qui peut se cacher derrière les informations un peu « froides » dont on dispose.
Cet exercice nécessite de se projeter dans l’expérience vécue par la cible. Vous devez donc, en quelque sorte, « chausser les lunettes de la cible » ! C’est ainsi que vous pourrez imaginer la façon dont elle peut voir le monde et vous faire une idée de ce qu’elle éprouve dans la situation dans laquelle elle se trouve.
Evidemment, soyons lucides et humbles : il restera toujours une frontière infranchissable entre soi et l’autre (l’empathie n’est pas de la télépathie !) ! D’où l’importance de ne pas partir bille en tête en étant convaincu (e) de ses capacités, et d’adopter une certaine discipline.
Voici deux choses qui me semblent importantes pour ne pas perdre de vue l’objectif (ressentir ce qu’éprouve la cible) :
- Laisser ses émotions au placard. Comprendre l’autre, c’est d’abord accepter pleinement la différence. Cela suppose d’adopter dès le départ une posture de non-jugement, de façon à ne pas être parasité par ses propres émotions.
- Se poser des questions très concrètes, et prendre des notes, de façon à ne pas « rester dans le flou » de la projection mentale. Un exemple ? Lorsque je dois vendre un produit ou une prestation, je m’imagine à la place de la cible, et liste systématiquement ce qu’elle sait ou ce qu’elle ne sait pas. Souvent, j’en sais plus qu’elle pour avoir travaillé en amont le sujet avec mon client. Mais je fais l’effort de laisser de côté ma propre connaissance, pour ne pas tomber dans ce qu’on appelle la malédiction du savoir.
3- La phase consistant à apporter une réponse appropriée
Avoir les idées claires sur l’état des connaissances et l’état émotionnel de la cible, c’est bien. Mais ça ne sert à rien si cela ne se traduit pas par un texte qui y fait écho ! C’est d’ailleurs bien pour ça que l’empathie est aussi parfois définie comme la capacité à « ressentir une émotion adaptée » en réponse à celle exprimée en face de soi.
Une difficulté cependant : contrairement à ce qui se passe « dans la vraie vie », la personne à laquelle on s’adresse n’a pas de « réalité physique ». Même si la cible ou le lecteur idéal cache de véritables individus, cela reste une vue de l’esprit lorsqu’on est derrière son ordinateur.
Comment faire pour régler la difficulté ?
Pour ma part, je commence toujours par me demander si je ne connais pas une personne dont le profil colle à la cible, du moins sur certains points. Très souvent, j’en identifie plusieurs, mais pour des raisons différentes. Mon esprit « pioche » donc à gauche à droit pour disposer de repères mentaux, tout en faisant la part des choses. Je ne sélectionne ainsi que certains traits de personnalité ou comportements, de telle sorte que je ne me sers jamais à 100% de profils « connus ». Le travail consiste ensuite à imaginer un dialogue. Si cette « personne » était en face de moi, qu’est-ce que je lui dirais pour la rassurer, lui expliquer les choses, puis finalement la convaincre ?
Cette phase revient donc à faire du lien entre ce que j’ai pu percevoir de la cible (à partir d’éléments tangibles) et ce que je peux mobiliser (en termes d’informations, de vocabulaire) pour répondre au plus près à ses interrogations, aspirations et besoins.
Vous le voyez : de fil en aiguille, on bascule de l’empathie vers la sympathie. On part de la compréhension de la cible pour arriver à un texte dans lequel elle se sent prise en compte, et surtout accompagnée.Vous restez sceptique en vous disant que cela peut vite ressembler à de la manipulation ? Vous n’avez pas tort, la limite n’est jamais loin. Mais tout est une question d’éthique, et j’en parle dans un article expliquant que le copywriting n’a rien de sale !
Vous êtes déjà convaincu(e) et avez un projet sur le feu ? Discutons-en, le monde intérieur de votre cible m’appelle déjà.-
Photo : unsplash/Tengyart