24/11/2019

#LeSensDesMots épisode 3 : « authenticité »

Les mots peuvent sonner comme des injonctions. C’est le cas depuis des mois du terme « authenticité ». « Soyez authentique », « Soyez-vous-même ! ». On nous en rebat les oreilles sur Linkedin ou ailleurs. De quoi être agacé si, comme moi, vous aimez tout ce qui se cache derrière ce mot, mais beaucoup moins la façon dont on le malmène. Tentons de lui redonner un semblant de noblesse avec un dico et un peu de réflexion.

Pourquoi l’ «authenticité » me fait me sentir le (***) entre deux chaises

L’authenticité est la clé pour se développer personnellement et professionnellement. C’est la voie à emprunter pour bien communiquer, et faire venir à soi de nouveaux clients. Tout cela, j’en suis convaincue !
Pourtant, voilà des mois que je peine à écrire sur le sujet. Comme si le mot « authenticité » était à la fois vide de sens et trop profond. Bizarre, non ? Commençons par l’appel à un ami pour y voir plus clair.
 

« Dis Larousse, c’est quoi l’authenticité ? »

« Encore toi Plume de Saumon ? Eh bien, est authentique le fait dont l’exactitude ne peut être contestée. Dont l’origine est certaine. Ou encore le propos dont on peut dire qu’il est complètement sincère, transparent ».
C’est bien ce que je pensais : l’authenticité a trait à la vérité, à la sincérité.

Autrement dit, à deux valeurs indéboulonnables. Et c’est bien là le souci.
Vous en connaissez beaucoup, vous, des gens qui vous diraient : « La vérité ? Ah non, je ne pratique pas. Je préfère raconter ce qui m’arrange, vrai ou pas vrai. » Ou alors : « La sincérité, j’ai horreur de ça. N’essayez surtout pas de me convaincre de m’y mettre ! »

L’authenticité n’est pas une option, socialement parlant. Officiellement, nous sommes tous sincères. Nous ne trichons pas. Voilà l’accord tacite que nous avons tous les uns avec les autres.
Sauf que c’est loin d’être le cas. Il y a ceux qui prennent l’accord au pied de la lettre. Et puis les autres qui se disent que l’important est de ne pas se faire prendre.

La guimauve, l’authenticité soft et l’arnaque de la Knacki

Cela fait plusieurs mois que je lis attentivement tout ce que je peux voir passer sur l’authenticité, en particulier sur Linkedin. A ce jour, j’ai dénombré (grosso modo), 3 types de discours…3 salles, 3 ambiances en quelque sorte.

1- « Soyez vous-même, vous êtes une belle personne »

C’est la version « mignonne » de l’injonction, humaniste, souvent orientée développement personnel. C’est le message auquel j’adhère le plus. Il repose sur le postulat suivant : il y a chez tout individu ou organisation quelque chose d’intéressant à mettre en valeur. Ce discours, j’y crois dur comme fer. Mais manque de bol, il est ingrat.

Je m’y suis risquée, et malheureusement, le constat est sans appel. On peut vite passer pour un illuminé tendance hippie ascendant bisounours. C’est injuste ? Un peu, mais à la décharge de ceux qui se moquent, il faut reconnaître que le discours manque un peu de consistance. Le propos est bien gentil, il dégouline de bons sentiments.  Mais concrètement, on fait comment pour être soi ? On parle de quoi au juste ?

2- « soyez-vous même…mais pas trop »

Voici une version qui flirte avec la mauvaise foi. Il faudrait être authentique , mais toutes proportions gardées. Sinon, on vous tape sur les doigts, on vous rappelle à l’ordre, comme un enfant.  Dans l’absolu, le propos pose des débats intéressants, sur le rapport de l’individu au groupe etc. Mais là-encore, on a bien du mal à dégager des explications. Surtout de la part de ceux qui demandent à ce que le curseur soit placé au bon endroit, mais qui se gardent bien au passage de fournir le mode d’emploi…

3- la version 100% esbroufe

Alors là, on arrive dans la version dark de l’authenticité. Celle qui ressemble à de l’authenticité mais qui n’est qu’un emballage marketing pour « faire joli » et berner la personne qu’on a en face de soi (un client, un candidat pour un poste…ça peut marcher à toutes les sauces). Comment faire de la fausse authenticité ? C’est  assez simple :

  • sélectionnez quelques valeurs qui ont le vent en poupe (pas forcément vos vraies valeurs, hein, ça on s’en fout)
  • faîtes clignoter un message publicitaire bien senti, en appuyant sur les bons boutons pour susciter l’émotion
  • saupoudrez de paillettes si besoin, et surtout d’une bonne dose de cynisme

Et voilà, vous êtes prêt à avoir l’air authentique sans l’être, à distiller des messages qui fleurent bon « le vrai ». Vous savez, avec ce petit goût des choses simples, comme ils disent chez Herta. Attention quand même ! Ceux qui se livrent à ce petit jeu dangereux finissent souvent, à un moment ou un autre, par avoir l’air aussi authentique et naturel qu’une Knacki sous cellophane (je ne sais pas vous, mais ça ne me donne pas envie d’en être).

L’authenticité est d’abord une affaire avec soi

Bilan final si on compile tout ça ? L’authenticité serait pour les puristes un objectif à atteindre absolument. On parle là d’authenticité bio, 100%d’origine naturelle, « authentiquement authentique ».
Et puis il y aurait les moins puristes, qui veulent surtout ne pas être dérangés par l’authenticité des autres, sans oublier tous les vilains qui optent sans scrupules pour l’effet Canada Dry.
Quelle que soit l’option retenue, tout ça ne manquerait pas d’un petit quelque chose par hasard ? De « soi », justement ?

Ce qui se passe à l’intérieur se voit à l’extérieur.

Vous ne rêvez pas. Je nourris bien ma réflexion avec une citation d’un pseudo-philosophe des produits laitiers. Cela  peut paraître bêta, mais il y a dans ce slogan bien plus que du bifidus actif.
La « vraie » authenticité (à supposer qu’elle existe), c’est plus que « ne pas tricher », « ne pas tromper ». Cela implique d’aller un cran au-dessus, en tissant un lien solide entre ce qu’on porte en soi, et ce qu’on donne à voir aux autres. De construire un pont, en quelque sorte.

Comment je sais ça ?
Parce que je n’ai pas toujours été « authentique », si on pose sur ce mot une exigence de pureté et de transparence absolue.
Est-ce que je m’en sens coupable ?
Non. Personne ne m’a jamais expliqué qu’on pouvait être la même personne au travail et dans la vie. Je croyais que renvoyer l’image que je pensais qu’on attendait de moi, c’était ce qu’il fallait faire.

Jusqu’au jour où cela ne m’a plus convenu, et où j’ai entendu parler d’alignement. Un autre mot drôlement intéressant, qui, pour une fois, a le mérite de la clarté. Il désigne le fait d’aligner nos croyances, nos valeurs, avec nos habitudes, nos actions. Si ça ce n’est pas du  pain béni pour quiconque cherche à aller vers plus d’authenticité !

Comment faire le lien entre l’intérieur et l’extérieur ?

Nous voilà au coeur du problème, finalement assez peu abordé dans tout ce qu’on peut voir passer sur la communication authentique.
Pour être authentique, il faudrait donner à voir qui on est, en toute transparence, avec la plus grande sincérité. Pour cela, encore faudrait-il savoir quoi dire. Autrement dit avoir les idées claires sur soi, et les assumer.

Pour ma part, j’ai engagé ce travail depuis plusieurs années maintenant, dans le cadre de ma reconversion. Mon alignement personnel n’a sans doute pas grand chose de commun avec le vôtre. Je me garderai donc de vous donner des conseils, d’autant plus que vous n’êtes peut-être pas spécialement tordus (vérifiez tout de même, on ne sait jamais). En revanche, je peux partager quelques scoops…

SCOOP 1 : Ce n’est pas si facile…

La quête d’authenticité n’est pas un long fleuve tranquille. C’est plutôt une rivière à remonter (#saumon), avec une multitude d’obstacles à franchir. Au programmes des réjouissances, on peut citer les fausses croyances sur soi (qu’il faut dézinguer une à une), les jugements des autres (qu’il faut affronter) et même une forme de deuil (de celle ou celui qu’on ne sera jamais). Forcément, selon l’ampleur du décalage intérieur/extérieur, ça peut piquer, bousculer, remuer. Mais rassurez-vous, comme ça vaut le coup, c’est supportable.

SCOOP 2 : vive l’égoïsme !

Vous croyez que faire en sorte d’aller vers plus d’authenticité, c’est le top pour améliorer sa relation aux autres ? Mieux vendre aussi ? C’est vrai. Je suis cependant persuadée que pour que l’authenticité paie sur ce terrain  » de l’extérieur », il faut au départ avoir une démarche 100% égoïste. Oui, vous avez bien lu.  Se sentir plus « soi », c’est avant tout se sentir plus à l’aise, plus serein, plus solide. Prendre conscience de ses points forts, apprendre à être en paix avec ses points faibles.

Bref, c’est un plaisir solitaire, mais nécessaire pour que le cercle vertueux se mette en place. Vous êtes bien comme vous êtes, vous êtes à l’aise pour parler de vous et BAM, le reste s’enchaîne . On vous comprend mieux. Les personnes qui vous ressemblent vous voient davantage. Avec le temps, vous tissez des liens qui ont du sens. Votre réseau personnel et professionnel se densifie et – ô miracle- les relations sont moins superficielles qu’avant.

SCOOP 3 : on fait comme on peut…

L’authenticité n’est pas absolue, totale.  Nous avons tous des filtres, nous ne disons pas tout. Nous évoluons, nous nous transformons, nous changeons d’avis et d’envies. Parfois aussi, nous ne savons plus trop où nous en sommes. Rien que pour cela, l’injonction d’être soi n’a pas de sens. Chacun fait ce qu’il peut, et ce n’est déjà pas si mal. Après tout, on peut avoir envie de plus d’authenticité sans avoir le sentiment qu’on rentre dans l’armée.

SCOOP 4 : oubliez la perfectioN, pensez cohérence

Nous revoilà sur le terrain du discours n°1, et de son « soyez-vous même, vous êtes une belle personne ». Vous avez dû remarquer, comme moi, qu’il est de bon ton, tout en étant authentique, de se montrer sous son meilleur jour.
En soi, pourquoi pas. On n’est peut-être pas obligé, non plus, d’aller étaler sur la place publique tous ses travers…

L’essentiel à mon avis, réside dans deux choses. Ne pas chercher à viser la perfection dans l’espoir de pouvoir dire un jour qu’on est parfait, et être cohérent dans ce qu’on raconte. Si on ne pense pas comme tout le monde, on peut le dire. Tant pis si certains en pensent du mal, dès lors que vous assumez le propos, et qu’il est cohérent avec le reste. Si problème de cohérence il y a, ne le voyez pas uniquement comme un problème de com’. Désolée de vous le dire, mais c’est un problème un peu plus en profondeur, un problème que vous avez avec vous-même (dans ce cas-là, ne faites pas l’autruche, faîtes-le point « à l’intérieur » et communiquez quand vous vous serez mis d’accord avec vous-même).

SCOOP 5 : Il y a des copains !

On pourrait croire que s’engager dans cette quête d’alignement et d’authenticité, c’est amorcer une phase de solitude extrême. Et bah non !
Si on fait du mieux qu’on peut, on fait de belles rencontres. Avec des clients, des partenaires…des gens, tout simplement.
Je parle là de moments fugaces durant lesquels on se sent connecté à l’autre et où on entrevoit quelque chose qui ressemble bel et bien à la définition du Larousse.

Pour ma part, je considère que le chemin dure toute la vie. Si on se croise, faîtes moi un coucou ! On ne sait jamais, on pourrait faire un bout de route ensemble.

Photo : unsplash / Serkan Turk